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Modigliani

Exposition au Musée du Luxembourg à Paris jusqu’au 3 mars 2003

Après deux décennies d’absence, Modigliani est l’une des têtes d’affiche de la rentrée artistique parisienne. On retrouvera les nus habituels et les portraits attendus au Musée du Luxembourg, mais le mérite de cette remarquable exposition est ailleurs : la centaine d’œuvres et les quelques sculptures présentées rendent enfin justice à ce peintre phare du XXe siècle, et éclairent sa recherche d’un style propre dans le tourbillon culturel de la Belle Époque.


Longtemps Amedeo Modigliani a été le parent pauvre de l’histoire de l’art du XXe siècle. Peintre qualifié de facile, légataire d’un héritage pictural peu novateur et contesté, il a pâti d’une légende artistique trop sombre pour être honnête, trop populaire pour ne pas être suspecte. On a pu justifier ce dédain académique par le légitime soupçon qui pesait sur l’engouement morbide d’un public fasciné par la figure de l’artiste maudit qu’avaient forgée les vicissitudes d’une existence marquée par la maladie omniprésente, l’alcool et la drogue. On a aussi avancé les délicates questions d’authentification des œuvres qui paralysaient la recherche. Surtout, cet artiste qui ne fit pas école et se tint volontairement à l’écart des cercles, circuits et groupes que formaient les autres avant-gardes, posait problème. Aujourd’hui néanmoins, l’exposition présentée par le Musée du Luxembourg est un véritable acte de renaissance et de reconnaissance d’un artiste que la faveur du public n’avait jamais abandonné.

Il aura fallu attendre plus de quatre-vingts ans pour qu’enfin on rende à Modigliani sa place prépondérante dans l’histoire de l’art du XXe siècle. Renouant avec son passé prestigieux de premier musée d’Art moderne (le Musée national des Arts vivants), le Musée du Luxembourg signe cet automne l’une de ses expositions les plus abouties. En une centaine de tableaux, dont vingt-six œuvre jamais exposées, c’est avec beaucoup d’à-propos qu’il rend hommage aux multiples facettes de l’art de Modigliani. Au fur et à mesure que l’on progresse dans cette exposition dont la remarquable conception est à souligner, on se retrouve peu à peu plongé dans un jeu de références bien plus que d’obédiences. Chez Modigliani, la peinture est renoncement, mais un renoncement d’une prodigieuse fertilité. Condamné par sa condition physique trop fragile à abandonner la sculpture, il sut en effet trouver sur la toile un espace d’une profondeur symbolique, sémiotique presque, où la désincarnation de la figure humaine n’est pas sans rappeler les recherches menées à la même époque par Matisse ou Picasso.

L’Italie, terre natale du peintre que Jacques Émile Blanche qualifiait de « descendant direct des pieux imagiers siennois », est bien sûr à l’honneur, comme dans Le Mendiant de Livourne, exposé pour la première fois. C’est néanmoins surtout la série de portraits qui offre un jeu de correspondances et de passerelles entre des veines stylistiques fort différentes, puisées tout autant dans les formes « premières » de l’art nègre, océanien ou cambodgien, que chez ses compagnons de Bohème, Soutine, Kisling, Othon Friesz, Max Jacob, Zborowski...

Par-delà les influences cubistes et tachistes, sensibles par exemple dans le Portrait de Pierre Reverdy (1916), sont remarquables l’approche sculpturale des personnages comme dans le Portrait d’un poète et l’influence manifeste de Brancusi dont Modigliani partagea un temps l’atelier. On pense bien sûr à la figure élancée de La Femme aux yeux bleus (1918) ou à ce Portrait de Jeanne Hébuterne de 1918 qui voit la femme aimée immortalisée dans une position hiératique. Si, comme l’écrivait Modigliani à son ami et mécène le Docteur Paul Alexandre sur une carte datée du 6 mai 1913 et signée «  Le Ressuscité », « le bonheur est un ange au visage grave », c’est désormais aussi un visage gravé sur la toile, « c’est pour les cœurs mortels un divin opium  » !

par Thomas Hallier
Article mis en ligne le 19 novembre 2002 (réédition)
Publication originale 19 novembre 2002

Légende des images, de haut en bas, logo inclus :
 première image : Femme aux yeux bleux, 1919, huile sur toile, 81x54 cm, Paris, Musée d’art moderne de la ville de Paris
 deuxième image : Pierre Reverdy, vers 1915, huile sur toile, 40x33 cm, Collection privée
 troisième image : Nu allongé, les bras derrière sa tête, 1916, huile sur toile, 65 x 87 cm, Collection E. G. Buhrle (Suisse)

Informations pratiques :
 artiste : Modigliani
 dates : jusqu’au 2 mars 2003
 lieu : Musée du Luxembourg, 19, rue Vaugirard 75006 Paris
 horaires : ouvert tous les jours, de 10h à 19h, nocturnes les lundi et vendredi
 tarif : 9 €, réduit 6 €
 renseignements : 01 42 34 25 95

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