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Chagall connu et inconnu

Exposition au Grand Palais à Paris du 14 mars au 23 juin 2003

Du 14 mars au 23 juin 2003, la Réunion des Musées Nationaux et le Museum of Modern Art de San Francisco proposent l’exposition "Chagall connu et inconnu" au Grand Palais. Plus de trente ans après la dernière rétrospective Chagall, c’est l’occasion de découvrir l’œuvre de cet artiste populaire dont la période d’activité couvre quasiment tout le siècle dernier (des années 1910 aux années 1980), au travers de quelques 150 œuvres, dont 78 peintures.


Né en 1887 à Vitebsk en Biélorussie, Marc Chagall, qui a commencé son apprentissage en peinture dès 1906, décroche une bourse pour Paris en 1910. Il s’installe à la Ruche, rencontre Max Jacob et Blaise Cendrars, et ses premières toiles sont remarquées, notamment par Apollinaire qui lui dédie un poème. Contraint par la guerre de rentrer à Vitebsk, il s’y marie avec Bella Rosenfeld et y vit dans le plus parfait bonheur conjugal. Toutefois, ses conceptions plastiques l’opposent à Malevitch et il quitte Vitebsk pour Moscou en 1920. Il y travaille au projet du théâtre juif, puis se rend à Berlin, avant de s’installer à Paris en 1923, où il rencontre André Malraux. Bien qu’il ait pris la nationalité française en 1937, les persécutions nazies le poussent à quitter le pays pour New York en 1941. Il y retrouve Bernanos, Léger, Breton ou Mondrian, mais Bella y meurt d’une affection pulmonaire en 1944. L’après-guerre voit les premières rétrospectives qui lui sont consacrées traverser l’Europe. Chagall lui-même rentre en France en 1948 et s’installe à Vence, en Provence. Il s’y marie avec Valentina Bordsky en 1952. C’est dans les années 1960 qu’il développe son œuvre biblique et commence à réaliser des vitraux, mais aussi qu’il peint le plafond de l’opéra de Paris à la demande d’André Malraux. Après des dernières années qui l’ont vu couronné par le succès, ce qu’illustrent de nombreuses expositions, mais au cours desquels il continue aussi à travailler, Marc Chagall s’éteint à Saint-Paul le 28 mars 1985.

Si l’artiste connaît depuis longtemps un succès public grandissant, la critique a toujours considéré avec méfiance son œuvre hétéroclite, valorisant surtout ses premières années et son œuvre russe dans lesquelles on décèle généralement les prémices du surréalisme, par rapport à ses œuvres postérieures, à partir de son installation en France, considérées comme plus académiques. Ce sont tous les rapports de l’artiste avec l’art moderne qui se retrouvent dans cette dualité. Malgré l’insistance de Breton, il a toujours refusé d’adhérer au mouvement surréaliste, tout comme il s’est tenu à l’écart de tous les grands courants artistiques du siècle, le cubisme, le suprématisme, non par snobisme, mais par volonté de laisser s’exprimer ses penchants propres. Ainsi, dans des années 1930 fermées à la Bible, il entreprend de l’illustrer, dans un siècle tourné vers l’abstraction, il s’en éloigne, imprimant une forte marque figurative à son œuvre et allant jusqu’à illustrer les fables de La Fontaine. C’est ainsi qu’il a réussi à construire une esthétique personnelle mêlant la modernité avec ses origines juives et russes, son attirance pour la France et son histoire personnelle.

Ce sont donc la critique et le public, tout autant que les deux périodes théoriques de son œuvre, que l’exposition tente de présenter et de réconcilier. L’exposition elle-même, sur deux niveaux, se découpe en cinq parties : "Les Années Russes", "Le Théâtre juif", "La Bible", "La Galerie des Fables et des petits tableaux français" et "Les Années françaises". Les explications murales, claires et précises dans la première partie de l’exposition, le premier étage, disparaissent, hélas, complètement dans le dernier tiers, pour nous laisser seul face aux œuvres dans les trois dernières salles. C’est là le principal point noir de cette rétrospective, avec l’habituel audio-guide qui soumet à notre porte-monnaie le bonheur d’avoir des explications œuvre par œuvre. Il me semblait toutefois avoir entendu les ministères successifs parler de démocratisation de la culture et je ne trouverais pas particulièrement inapproprié d’offrir aux visiteurs quelques développements sur certains tableaux... Quant à l’éclairage, il n’est pas toujours à la hauteur et s’ajoute à la désagréable sensation d’enfermement créée par toutes ces expositions montées dans les entrailles du Grand Palais, perdues dans les niveaux supérieurs, confinées dans des pièces sans fenêtres... Enfin, comme pour toutes les grandes expositions parisiennes, il y a beaucoup de monde et il faut être prêt à piétiner devant chaque tableau.

Restent mes impressions personnelles sur une des plus importantes figures de l’art du siècle passé. Cette exposition nous confronte à une œuvre construite, que Chagall a toujours voulue comme telle. Ses conceptions artistiques sont passionnantes à explorer, surtout en rapport avec sa mise à l’écart, volontaire, des courants majeurs. Sa peinture se veut récit, déconstruction certes, mais aussi reconstruction par les images, les couleurs et les symboles. Et puis Chagall est un artiste du bonheur, de son bonheur et de son amour avec Bella. Je n’ai pas été très sensible aux couleurs, ce qui pourrait sembler rédhibitoire pour un tel peintre, mais j’ai été intéressé par ce parcours artistique du point de vue intellectuel. Et j’ai aimé ses femmes, ses couples... Finalement, j’ai cru parfois saisir un peu de l’âme de cette peinture qui mérite véritablement d’être découverte ou redécouverte.

par Matthieu-Paul Ergo
Article mis en ligne le 14 mars 2003

Informations pratiques :
 artiste : Marc Chagall
 dates : du 14 mars 2003 au 23 juin 2003
 lieu : Galeries Nationales du Grand Palais, 3 avenue du Général Eisenhower, 75008 PARIS

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