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Raphaël au musée Condé

Collections permanentes du musée

Si le bon goût en peinture s’incarne jusqu’au XIXème siècle à travers un ensemble limité de noms illustres, un seul semble vraiment remporter tous les suffrages : Raphaël (1483-1520), au sommet d’une mythologie classique de l’art, dont il est le dieu par excellence. Vingt ans à peine de carrière créèrent pourtant nombres d’oeuvres, traversées par un idéal de perfection jamais démenti chez les artistes et les amateurs. On admira en effet très tôt les oeuvres du fameux peintre de la Renaissance, et la célèbre collection de l’Institut de France à Chantilly peut actuellement s’enorgueillir de posséder trois tableaux authentiques du maître.


L’acquisition de ces oeuvres s’inscrit dans l’enrichissement des collections du duc d’Aumale, comprenant des maîtres anciens (Clouet, Carrache, Poussin, etc, et bien sûr Raphaël) ou modernes (Ingres, Corot, Delacroix...). De provenance prestigieuse, Les Trois Grâces (acquis en 1885), La Madone d’Orléans (en 1869) et La Madone de Lorette (en 1854) entrent en la possession du fameux duc en tant qu’oeuvres autographes de Raphaël : et pourtant, chacune connaîtra des problèmes d’iconographie ou même d’authenticité dès la fin du XIXe siècle, et ce jusqu’à nos jours...pour le plus grand plaisir des historiens d’art comme des amateurs de Raphaël. À ces trois peintures s’ajoute aussi un fonds remarquable de dessins de Raphaël, de son atelier ou des copies : sans s’attarder davantage sur cet ensemble, on retiendra tout de même une étude pour La Belle Jardinière (peinture de 1507-1508, conservée au Louvre : une de ses ultimes madones florentines) ou une composition autographe pour la fresque de La Dispute du Saint Sacrement dans la Chambre de la signature au Vatican, au début donc de sa période romaine [1]. Les peintures semblent néanmoins les oeuvres les plus intéressantes à étudier pour l’historien de l’art, car elles posent des questions essentielles sur le sens des images et leurs rapports avec la haute société italienne au début du 16ème siècle.

Grâces et vertu

Le tableau le plus ancien de Raphaël conservé à Chantilly représente Les Trois Grâces, divinités bien connues de l’Antiquité, adoptées par les Romains des Grecs qui les nommaients Charites. Acheté en vente publique, le tableau est issu de la prestigieuse collection Borghèse, avant de passer entre les mains de collectionneurs français et anglais puis celles du duc d’Aumale.

Le tableau semble à première vue peu révolutionnaire, les trois figures féminines nues étant comme posées devant un paysage dépouillé. Et pourtant, il s’agit de la première peinture conservée de Raphaël représentant un thème mythologique antique : datée vers 1504-1505, la peinture est l’oeuvre d’un jeune artiste d’une vingtaine d’années habitué avant tout aux commandes religieuses publiques ou privées.

Raphaël, Les Trois Grâces - 20.8 ko
Raphaël, Les Trois Grâces
Huile sur bois de peuplier-17,8 par 17,6 cm-Vers 1504-1505-Chantilly, Musée Condé

Pourquoi les Grâces ? Pour tenter de trouver une explication à une telle représentation profane et même païenne, il faut se tourner vers le centre d’innovation le plus avant-gardiste dans l’art européen au 15ème siècle, Florence. On n’a bien sûr pas attendu l’époque de la Renaissance pour perpétuer la culture de l’Antiquité dans cette ville et ailleurs, mais c’est bien dans la cité toscane que, autour de Laurent de Médicis dit le Magnifique, se forme une véritable cour intellectuelle qui entend renouer avec la pensée et les idées du monde pagano-antique, à l’image de l’intellectuel Pic de la Mirandole qui passait pour savoir tout ce qui pouvait être connu à cette époque. De façon concomitante, dans ces années 1470-1480, le monde des Beaux-Arts commence à matérialiser cette ambiance du milieu cultivé florentin : le fameux Printemps de Botticelli est ainsi une des premières oeuvres des Temps modernes à représenter des personnages mythologiques, tel que Vénus, Flore ou...les Grâces, déjà au nombre de trois et entamant une danse légère avec leurs membres graciles. Botticelli ne s’arrêtera pas là et poursuivra avec d’autres oeuvres qui, à l’instar du Printemps, seront commanditées par les Médicis ou des proches de leur famille, tel Minerve et le centaure ou La Naissance de Vénus [2].

Botticelli ne sera évidemment pas le seul peintre à réaliser des oeuvres mythologiques pour de prestigieux commanditaires florentins, et ce mouvement se poursuivra avec d’autres artistes jusqu’à la mort de Laurent le Magnifique en 1492, toujours dans une même optique : Transmettre des idées ou des concepts complexes par le biais de l’allégorie picturale, notamment le triomphe de la vertu et de la chasteté sur la violence dans Minerve et le centaure où la déesse vierge domine dans le calme la créature bestiale. Toute cette ambiance culturelle sera pourtant freinée à Florence à la mort de Laurent le Magnifique, où les évènements politiques provoqueront l’exil de la famille Médicis : c’est alors qu’apparaîtra la personnalité influente du moine dominicain fanatique Girolamo Savonarole, peu enclin à une résurgence de la culture païenne. Ce dernier incitera même les Florentins à se détourner de ce goût pour une culture antique et non chrétienne, jusqu’à ce qu’il se fasse rappeler à l’ordre par le pape puis condamné à mort en 1498. La République ensuite instaurée à Florence au début du 16ème siècle verra la reprise de la création d’oeuvres à sujet mythologique tel Léda et le cygne de Léonard de Vinci, peinture perdue mais connue entre autres par des copies ainsi qu’un dessin de Raphaël. Ce dernier réside en effet à Florence des années 1504 à 1508, réalisant notamment des oeuvres commandées par des personnalités résidant hors de cette cité.

Ainsi en est-il des Trois Grâces : Certains pensent que le tableau a été peint pour un Médicis exilé à Urbino, ville natale de Raphaël avec laquelle il entretenait des liens par le biais de mécènes, tandis que d’autres songent au futur duc d’Urbino au début du 16ème siècle, Francesco Maria delle Rovere, que son oncle venait d’adopter tout en lui promettant le pouvoir. Mais peut-être faut-il se fier à une autre hypothèse, là aussi contestable et reposant cependant sur de solides arguments : le petit tableau aurait été destiné à un jeune membre de la famille Borghèse, répondant à l’antique nom de Scipion, à l’occasion de sa confirmation. En fait, Les Trois Grâces formait un véritable ensemble narratif avec une autre oeuvre de même format, Le Songe du chevalier (conservé à Londres) : ce dernier tableau présente un homme assoupi près d’un arbre, véritablement à la croisée de deux chemins, l’un tortueux incarné par une femme présentant une épée et un livre pour la Vertu, et l’autre plus facile avec un personnage féminin davantage voluptueux pour le Vice. L’association des deux oeuvres est d’autant plus aisée qu’elles sont de même format et de même datation, avec un style particulièrement typique de cette période de la carrière de Raphaël : ce dernier développe ici un art de la préciosité dans ces coloris francs et ce souci du détail proche de la miniature, aux figures équilibrées pleines de charme tout en évitant une mièvrerie ou une sécheresse dans l’expression.

Raphaël, Le songe du chevalier - 28.1 ko
Raphaël, Le songe du chevalier
Huile sur bois de peuplier-17 par 17 cm-Vers 1504-1505-Londres, National Gallery

Mais comment faire le lien iconographique entre les tableaux de Chantilly et de Londres ? Le recours à l’érudition est là inévitable, notamment par le biais des textes antiques et leurs interprétations modernes. Les Anciens avaient ainsi développé le thème d’Hercule à la croisée des chemins, moment décisif où le demi-dieu se retrouve à choisir entre la voie difficile mais glorieuse de la Vertu et celle dolente du Vice. Le héros se tournera évidemment vers la vertu, modèle alors pour les jeunes gens de la bonne société grecque ou romaine ; ce schéma très simple sera repris pour un personnage historique bien réel, le fameux général romain Scipion (235-183 av. J.-C.) dit l’Africain, surnom qu’il gagna en remportant la deuxième guerre punique en 202 avant notre ère. Le lien est donc établi entre ce glorieux militaire et son homonyme de la famille Borghèse, selon une interprétation possible. Mais d’une façon plus générale, le héros endormi, qu’il soit Hercule ou Scipion l’Africain, remporte le prix de la Vertu avec Les trois Grâces : en effet, les pommes d’or tenues par chacune des jeunes filles symbolisent l’immortalité, récompense suprême de celui qui s’obstine dans la rude voie de la Vertu [3]. On pourrait même en déduire que cette trame narrative évoquée par les deux oeuvres réconcilie les pensées païenne et chrétienne : le jeune Scipion Borghèse se montre vertueux en réalisant sa confirmation, qui n’étais certes pas un choix total mais tout de même un accomplissement de la vie du jeune homme dans la bienfaisance catholique. En étudiant uniquement Les trois Grâces, des spécialistes y ont vu par ailleurs une allusion évidente à l’amour, relayée par le nom de chacune de ces déités : Castitas (Chasteté), Pulchritudo (Beauté) et Amor (Amour). La lecture autonome de l’oeuvre serait alors "la beauté convertit la chasteté à l’amour"...ce qui écarterait l’hypothèse d’une commande liée à une confirmation. Le commanditaire d’un tel "diptyque" reste encore incertain, mais sa forte culture, imprégénée de l’ambiance néo-antique du temps et relayée par les oeuvres de Raphaël, paraît elle indéniable.

Il ne faut pas attendre Raphaël pour qu’apparaissent les premières représentations modernes des Grâces : la version dynamique illustrée par Botticelli dans Le Printemps est l’exemple bien connu, mais la numismatique contemporaine frappe des monnaies à l’image de la frêle triade selon un schéma visuel analogue à celui employé par Raphaël ; à savoir chacune des Grâces se tenant à l’épaule, celle centrale étant montrée de dos et les deux l’encadrant nous faisant face. Raphaël aurait eu connaissance de ce modèle monétaire, mais plus vraisemblablement une même source iconographique aurait servi à la fois au médailleur et au peintre. Et quels modèles étaient l’apanage de l’avant-garde artistique du temps, si ce n’est les sculptures antiques ? En l’occurence, un groupe sculpté conservé alors (et encore aujourd’hui) dans la cathédrale de Sienne [4] est certainement à l’origine des deux compositions : quoique privée de têtes depuis la Renaissance, la sculpture (copie romaine d’un original hellénistique) rappelle les formes élégantes et tout en courbes des corps féminins dans le tableau, avec cet habile jeu de réponses formelles entre les trois personnages.

Mais la comparaison attentive entre le groupe antique et l’oeuvre de Raphaël montre combien le grand peintre ne répète pas sans talent les grands modèles anciens. Le travail des formes est particulièrement remarquable : à l’instar de la sculpture, le peintre travaille le modelé avec ses moyens propres que sont la maîtrise du dessin et le rendu des ombres, rivalisant avec les trois dimensions de la statuaire ; l’observation d’un modèle vivant se conjugue ici à l’observation d’une oeuvre idéalisant les formes humaines sublimées par la nature divine des Grâces. Le traitement de ces mêmes formes dans l’espace se doit d’être remarqué, Raphaël créant avec subtilité les différents plans et profondeurs de cet espace plan grâce aux corps des Grâces, entre autres par la disposition de leurs pieds. Passages assurés aussi par le paysage, assez convenu et pourtant en accord avec la légereté de touche visible dans l’ensemble du tableau : cette harmonie de tons bleus et verts constitue un cadre idyllique pour les Grâces, censées entre autres garder les pommes d’or du jardin des Hespérides. Cette représentation totalement imaginaire, par son thème comme par sa configuration, n’en est pas moins empreinte d’une recherche de la beauté idéale, dépassant avec talent tous les concepts abstraits de l’art et de la culture antique ou moderne.

Le thème des trois Grâces permet à Raphaël une réflexion sur l’antique et ses liens avec le monde intellectuel et social de l’Italie vers 1500, encore plus quand on considère l’oeuvre comme le pendant indispensable du Songe du chevalier. Cette méditation sur l’art des Anciens s’effectuera dans le sens non pas d’une recherche de formes similaires mais bien dans celui du dépassement de ces formes antiques avec le triomphe des artistes modernes, ainsi que le formulera Vasari : en ne se tenant qu’aux trois Grâces, on constate toute l’évolution (ou plutôt la métamorphose) du style de Raphaël par la comparaison du charmant petit tableau de jeunesse de Chantilly avec la monumentale fresque de la villa Farnésine à Rome en 1517 où la force de l’art romain antique subjugue les représentations des corps et de l’espace pour tendre dans le même temps à_avouons-le_une certaine affectation qui se tempéra dans un début de maniérisme grandiose chez Raphaël, pour parfois se figer dans une convention du style chez ses élèves [5]. Bien avant cette toute aussi glorieuse époque, Les Trois Grâces du musée Condé est un témoin de ce moment incroyable de l’histoire de l’art en Europe, souvent formulé comme la Haute Renaissance dont Raphaël est l’un des principaux acteurs aux côtés de ses aînés Léonard et Michel-Ange ; cette décennie cruciale instaure un Raphaël en pleine maturité artistique, marquant des générations (pour ne pas dire des siècles) d’artistes après lui : À l’image des trois Grâces, Raphaël est l’image même du modèle de perfection, de vertu et d’équilibre en peinture.

Raphaël et atelier, Cupidon et les trois Grâces - 28.5 ko
Raphaël et atelier, Cupidon et les trois Grâces
Fresque-1517-Rome, Villa farnésine

Une Madone sous influence

Exposée juste à côté des Trois Grâces, on trouve La Madone d’Orléans, une oeuvre qu’on jugera davantage classique. Et à plus d’un titre : non seulement parce que Raphaël se plie à l’iconographie de la Vierge à l’Enfant en vigueur à l’époque, mais aussi pour la renommée des Madones de Raphaël, celle dite d’Orléans étant incluse dans la série des splendides Vierges à l’Enfant peintes à Florence entre 1504 et 1508 pour de riches commanditaires privés, dont le simple coup d’oeil suffit à se convaincre du talent de Raphaël, à défaut d’adhérer à un goût pour son art.

Raphaël, La Madone d’Orléans - 10.8 ko
Raphaël, La Madone d’Orléans
Huile sur bois-31,7 par 23,3 cm -Vers 1506-1507-Chantilly, Musée Condé

Comme souvent à notre époque, le nom attribué à cette madone est dû à un propriétaire célèbre ou du moins parmi les plus importants : en l’occurence, l’illustre possesseur de l’oeuvre au début du 18ème siècle est Philippe d’Orléans, exerçant la régence en attendant la maturité du futur Louis XV. Avant, l’oeuvre se retrouve en Angleterre après une origine italienne confuse, ou plutôt imprécise. Comme d’accoutumée avec les plus grands noms de l’art italien de la Renaissance, le recours aux écrits de Vasari est précieux mais incertain : notre historien de l’art parle en effet dans ses Vies des plus illustres artistes de deux madones de Raphaël qu’il aurait vues chez le duc d’Urbino, tableaux qu’on identifie habituellement mais sans certitude à La Madone d’Orléans et à une Sainte Famille avec saint Joseph imberbe (aujourd’hui au musée de l’Ermitage, à Saint-Petersbourg) [6]. Sauf que d’autres sources, plus formelles, attestent que la madone d’Orléans se trouvait au début du 16ème siècle dans la collection de Carlo II de Savoie à Turin. Alors, Marches ou Piémont ? Quoiqu’il en soit, ces querelles de spécialistes soulignent indirectement la renommée acquise par Raphaël dans les plus grands centres italiens, ne se limitant pas à sa cité natale ou sa "ville d’adoption" lorsqu’il peint cette Madone.

Michel-Ange, Tondo Taddei (Vierge à l’Enfant avec le petit saint Jean-Baptiste) - 24.5 ko
Michel-Ange, Tondo Taddei (Vierge à l’Enfant avec le petit saint Jean-Baptiste)
Marbre-Diamètre:82,5 cm-Vers 1505-1506-Londres, Royal Academy of Arts

Un peu à l’image de ses commanditaires, les leçons artistiques retenues par Raphaël sont multiples et dépassent même les Alpes. Les personnages, tout d’abord, révèlent un artiste au courant des grandes innovations florentines de son temps, tout en se forgeant un style. Qui dit innovations dans l’art florentin vers 1500 pense immédiatement aux deux titans de la Haute Renaissance : Léonard et Michel-Ange, regardés, copiés, médités par tous leurs contemporains, de l’humble préparateur de couleurs jusqu’au maître en devenir qu’est alors Raphaël. Du premier, notre artiste retient le subtil jeu d’ombres sculptant les formes et le fameux sfumato aux effets de flou optique restituant une expression réelle, le côté inquiet typiquement léonardesque en moins ; le fond sombre participe aussi au fameux clair-obscur développé par l’auteur de La Joconde, mettant particulièrement en valeur la mère et l’Enfant. Michelangelesque, La Madone d’Orléans l’est notamment par l’Enfant Jésus témoignant d’une connaissance de la sculpture de Michel-Ange, avec ce dynamisme tout en courbes qui semble émaner d’un désir de rivaliser avec les marbres pleins de force du maître florentin. Des influences manifestes qu’on retrouve dans une vierge à l’enfant quasi-contemporaine, La Madone Bridgewater (Edimburgh, National Gallery of Scotland), dont la majorité de la critique retient l’inspiration par le Tondo Taddei de Michel-Ange. À l’instar de sa vision de l’art antique, Raphaël ne se soumet pas entièrement à l’art des deux illustres florentins, étant suffisamment talentueux pour s’approprier certains traits de leur style tout en s’en démarquant, par le biais de cette série de madones qui indiquent à la fois la fidélité à l’exemple léonardesque et michelangelesque ainsi que la genèse d’une perfection mâtinée de facilité, marque de Raphaël le mettant à l’égal de ses deux aînés dans l’aboutissement de la Haute Renaissance.

Mais une Renaissance qui ne se tourne pas uniquement vers l’Italie ou l’antique mais aussi vers d’autres horizons artistiques dans l’Europe du temps : ainsi en est-il du fond de notre madone, qui n’a rien de typiquement italien, mais bien au contraire flamand. Les artistes des actuels Belgique et Pays-Bas développaient alors un style encore médiéval, non pas de façon péjorative, mais parce qu’ils portaient plus d’attention dans leurs oeuvres au rendu réaliste du détail plus qu’au rendu plastique de l’ensemble de la composition qui primait tant chez leurs contemporains transalpins. Et dans ce souci du moindre élément, les Flamands étaient passés virtuoses dans l’art de la future nature morte, notamment dans les scènes d’intérieur où étaient représentés avec une grande véracité le chien aboyant, la cheminée du foyer...ou l’étagère remplie de pots à pharmacie, comme celle visible à l’arrière-plan de la madone d’Orléans. Certes, le style de ces peintres flamands n’est pas l’apanage des peintres italiens les plus novateurs ; en effet Vasari baptisera ce style de "gothique" avec toute la connotation péjorative faisant de ce terme (toujours consacré) un synonyme pour l’auteur de barbare, et l’on affirmera sans contestation que l’Europe du 16ème siècle vit à l’heure italienne en adoptant la culture Renaissance balayant progressivement celle médiévale ; mais le fait est bien connu : les riches amateurs italiens, ceux-là même qui passaient commande auprès des Raphaël ou Léonard, ne dédaignaient pas obtenir dans leurs collections des oeuvres d’Europe du Nord au style pleinement gothique, tableaux mis à l’égal de ceux du sud des Alpes. Les Médicis s’illustrèrent notamment dans ce goût transalpin, et l’une de leurs plus grandes acquisitions au 15ème siècle est un Saint Jérôme étudiant du grand artise brugeois Jan van Eyck (aujourd’hui au Detroit Institute of Arts) : dans cette oeuvre ayant appartenu à Laurent le Magnifique, on voit clairement en guise d’arrière-plan à l’ecclesiastique méditant, une étagère contenant un motif repris tel quel par La Madone d’Orléans : celui d’un pot pharmaceutique de tyriana, surmonté d’une pomme. Le doute est peu certain quant à la corrélation entre les deux compositions : si, pour des raisons de clarté, les noms des attributs ou objets étaient rarement inscrits, le fait qu’il y ait cette mention sur chacune de ces oeuvres plaide en faveur d’un lien très probable. Toujours est-il que l’inclusion de ce motif de nos jours complexe, alors habituel, répond à une logique voulue par les oeuvres mettant en scène de saints personnages : le tyriana était en effet considéré depuis le Moyen-Age comme un remède contre les morsures de serpent, symbole évident du Diable, tout comme la pomme symbolise le pêché originel. La Madone d’Orléans est donc une image du Christ guérissant les âmes, en rachetant leurs pêchés : le Messie peut bien prendre l’aspect d’un enfant joufflu, il n’en demeure pas moins le futur rédempteur et sauveur, ces scènes d’enfance du Christ faisant souvent allusion à son destin et notamment à sa Passion.

Jan van Eyck, Saint Jérôme étudiant - 14.3 ko
Jan van Eyck, Saint Jérôme étudiant
Huile sur bois de chêne-20,6 par 13,3 cm-1435-Detroit, The Detroit Institute of Arts

Où donc trouver le caractère authentique de Raphaël dans ce tableau, plein de résonnances toscanes et flamandes ? L’embarras serait compréhensible pour répondre, mais unique est bien le mot pour décrire cette impression d’intensité intime rarement atteinte, cette harmonie entre le rouge, le bleu et le vert des habits de la Vierge sur un fond sombre mais sans inquiétude, ce noble détachement des personnages. En quelques mots, cette apparence de simplicité desservie par un talent inné qui valut parfois à Raphaël sa réputation populaire de "maître des madones".

Une Vierge romaine disparue puis...retrouvée !

Raphaël, La Madone de Lorette (dite aussi La Vierge au voile) - 13 ko
Raphaël, La Madone de Lorette (dite aussi La Vierge au voile)
Huile sur bois de peuplier- 120 par 90 cm-Vers 1509-1510 ou vers 1512 -Chantilly, Musée Condé

À l’image de l’amour, l’histoire de l’art offre parfois de belles histoires. Dans le cas de La Madone de Lorette, il est question d’une oeuvre originale de Raphaël qu’on croyait perdue depuis bien longtemps, classant le tableau du musée Condé parmi la centaine de copies connues. Et puis, des recherches opportunes créent la surprise improbable de la "mise au jour" de cet original, jadis passé pour une oeuvre d’élève copiant le maître. Les débuts de La Madone de Lorette sont pour le moins nébuleux : conservée jusqu’à la fin du 16ème siècle dans l’église romaine de Santa Maria del Popolo, aurait-elle été offerte par le pape Jules II à l’église en pendant de son portrait (aujourd’hui conservé à Londres) ? À moins qu’il ne s’agisse d’une commande du riche Agostino Chigi pour sa chapelle de la Vierge de cette même église, chapelle d’ailleurs décorée par Raphaël...Dès l’origine, La Madone de Lorette est placée sous le signe de l’incertain : décroché en 1591 par un cardinal pour des raisons certainement peu catholiques, le tableau, comme Les Trois Grâces, trouve sa place dans la collection Borghèse au 17ème siècle, pour passer de mains en mains avant d’être acquis par le duc d’Aumale en 1854. Entretemps, coup de théâtre : une copie léguée au 18ème siècle à la basilique de Lorette passe pour l’original, en donnant au passage le nom de cette Madone ; les troupes de Napoléon ramènent l’oeuvre à Paris, où finalement l’on s’aperçoit qu’il s’agit d’une copie, et médiocre de surcroît, valant à l’oeuvre d’être reléguée dans l’église de Morangis (dans l’Essonne)...d’où elle a actuellement disparu.

Revenons néanmoins à l’oeuvre de Chantilly, longtemps donnée comme une copie de Giovan Francesco Penni, élève de Raphaël au style méritant mais loin d’égaler celui du maître. Et pourtant, la méprise perdura jusqu’en 1983, preuve encore que le premier geste de l’historien de l’art est bien celui de regarder les oeuvres (sic !) : c’est l’époque où l’éminent Cecil Gould, en fouillant quelques archives, découvre que le Portrait de Jules II de Londres, oeuvre incontestablement autographe, était précédé sur l’inventaire de la collection Borghèse par un autre tableau de la main de Raphaël qui n’est rien de moins que celui de Chantilly ! La véracité de ce numéro d’inventaire ne faisant pas de doute, cette intéressante réattribution fut rapidement suivie d’examens en laboratoire qui constatèrent des repentirs de la part de l’auteur au niveau du dessin, interdisant la copie servile au caractère plus automatique. Une réhabilitation qui suscita bientôt un autre regard sur ce chef-d’oeuvre retrouvé de Raphaël, brillant représentant de sa période romaine. Et ce n’est pas Vasari qui le contredira : « Son [Raphaël] immense renom lui valut la commande du portrait du pape Jules II qu’il peignit à l’huile, de façon si vraie, qu’il inspirait le respect comme s’il était vivant. Cet ouvrage est aujourd’hui à Sainte-Marie-du-Peuple, avec une très belle Nativité [La Madone de Lorette] peinte en même temps, où la Vierge couvre d’un voile son fils. Celui-ci est d’une telle beauté que l’expression de son visage et tout son corps témoignent qu’il est vraiment le fils de Dieu. Non moins beau, le Visage de la Vierge, d’une suprême perfection, exprime une sainte joie. Saint Joseph, les deux mains appuyées sur un bâton, contemple, pensif, le roi et la reine du Ciel, avec toute l’admiration d’un saint vieillard. Les deux tableaux sont montrés au public lors des fêtes solennelles [7]. »

De Florence, en effet, Raphaël gagne Rome en 1508, suite à l’appel du pape. Dans la Ville éternelle, le peintre réside jusqu’à son décès prématuré en 1520, s’attelant à la décoration des appartements du pape avec son désormais important atelier, tout en continuant à réaliser les commandes émanant d’autres personnalités. Que La Madone de Lorette relève du premier ou du second de ces mécénats, elle est en tout cas indéniablement révélatrice de la mue du style de Raphaël au contact de la grandeur de l’art romain passé et en cours : les gestes sont plus amples, notamment ces bras aux raccourcis hardis, rappelant la monumentalité de la sculpure antique, tandis qu’à travers cet emploi de couleurs à la fois plus subtiles et plus articielles Raphaël élabore son maniérisme sans oublier d’observer celui naissant de son grand contemporain aussi à Rome, Michel-Ange. L’affirmation du style se fait alors au dépend du contenu iconographique, sans que ce dernier soit soudainement absent. Bien au contraire : l’autre nom de la composition est La Madone au voile, évoquant le morceau de tissu avec lequel l’Enfant joue sous les yeux attentifs de sa mère. Le caractère ludique d’une telle mise en scène est pourtant accessoire à côté de sa signification réelle, religieuse : ce voile préfigure le linceul du Christ mort, mais ici la vivacité de l’Enfant indique pour certains commentateurs l’espoir de la Résurrection du Christ après la Passion. Une interprétation non évidente pour nos yeux laïcs, mais bien constatée par les contemporains de l’artiste tout comme la Vierge Marie, déjà consciente de la douloureuse destinée de son fils tel que le suggère Raphaël dans la tension du regard de cette mère.

Une iconographie aujourd’hui complexe, desservie par un art du dessin et du coloris sublimé par cette recherche infatiguable du Beau dans l’oeuvre de Raphaël. Et il se trouve que, contrairement aux Trois Grâces et à La Madone d’Orléans, nous conservons une feuille de l’artiste comportant entre autres des études pour La Madone de Lorette : les dessins se rapportant à l’oeuvre se concentrent sur la figure de l’Enfant, aboutissant au dynamisme enjoué de la figure peinte. Des études dessinées pour la Vierge, rien ne nous est conservé ou du moins connu, mais toujours est-il que son visage à l’ovale ferme surmontant de chatoyants vêtements aux camaïeux de rose ou de bleu nuit, résulte de patientes recherches sur la justesse de composition, soulignée par un accord de coloris aussi limités qu’esthétiques. Le fond sombre semble parfaitement adapté au recueillement de la scène, ainsi qu’à souligner les formes des personnages, et pourtant rien de tel n’est l’oeuvre de Raphaël : comme à l’accoutumée, notre peintre avait prévu une fenêtre ouvrant sur un paysage, afin de suggérer une ouverture spatiale tangible vers l’extérieur [8]. Fenêtre aujourd’hui occupée par la figure de saint Joseph : rajout dû à l’auteur ou à un autre peintre ? Un simple coup d’oeil constate une qualité moindre du traitement de Joseph par rapport au reste de la composition, un jugement qui pourtant doit prendre en compte l’usure de la surface du tableau à cet endroit. Et si le saint Joseph n’est assurément pas de la main de Raphaël, ce n’est pas qu’une question de style : sur la centaine de copies connues de l’oeuvre, seules trois possèdent une fenêtre ouverte sur un paysage tandis que toutes les autres repètent le schéma actuel de l’œuvre de Chantilly [9]. Un geste aujourd’hui impensable, car qui oserait dénaturer la personnalité d’un maître aussi estimé ? Il n’est pourtant pas si loin le temps où l’on s’autorisait à intervenir sur les oeuvres uniquement pour des questions de goût, quitte à les diviser ou les repeindre. Un affront, certes, mais conservé dans le cas de La Madonne de Lorette par sa nature historique, ce repeint ayant dû intervenir peu de temps après la création du tableau [10], d’autant plus que cette Madone a toujours été vu ainsi, un hypothétique "retour aux sources" risquant d’en surprendre et même d’en tromper plus d’un.

Raphaël, Etudes pour la Vierge à l’Enfant avec saint Jean-Baptiste - 11.9 ko
Raphaël, Etudes pour la Vierge à l’Enfant avec saint Jean-Baptiste
Pointe de métal sur papier préparé rose-11,1 par 14,3 cm-Lille, Musée des Beaux-Arts

Ainsi un esprit éclairé aura rendu au maître l’oeuvre tenue pour être copie d’élève pendant plusieurs générations, dupant quantités de spécialistes et non des moindres. D’où le questionnement amer sur la carrière romaine de Raphaël, à savoir si le grand peintre du pape ne se perdit pas dans un style trop génial pour être sans cesse repris par les élèves, admirateurs, fils spirituels, etc. La difficile étude du disegno (dessin/dessein) chez l’artiste théorise souvent la fin de la carrière de Raphaël comme une grande entreprise où le maître élabore par l’esprit toutes les futures oeuvres peintes par son atelier ; un constat peut-être sévère, n’enlevant rien à l’intérêt de l’art de Raphaël et ses émules, mais pourtant maintes fois vérifié par un regard détaché sur les dernières oeuvres conçues du vivant du grand artiste. Néanmoins, La Madone de Lorette précède quelque peu cette complexe et ultime période, conciliant le charme serein des Vierges florentines à la connaissance de la grandeur romaine des arts et des formes. La Vierge peinte, inspirée par la statuaire de pierre, est avant tout redevable à la vie des modèles dessinés par l’artiste. Synchrétisme artistique, qui nous montre une jeune femme au charme humain et en même temps la mère du Christ avec ce détachement spirituel : rarement peintre n’aura réussi à concilier dans une même image la double nature de la Vierge, jeune mère frêle mais assumant sa destinée et celle de son divin fils. Un intérêt sensible, par-delà la simple étude stylistique, semble nécessaire pour authentifier les oeuvre d’un maître tant imité notamment par les plus grands, mais jamais égalé dans ces oeuvres religieuses traversées par un quelque chose d’indéfinissable réunissant le divin et l’humain

Grâces et Madones déclinent le Beau avec brio : Raphaël serait-il le peintre par excellence de la beauté féminine ? Il nous convie en tout cas à une certaine idée du Beau, avec cette noblesse quasi-poétique où chaque coloris chatoyant, chaque geste équilibré pourrait se suffire comme harmonie visuelle. Des images qui passionnent, indiffèrent, questionnent, se laissent contempler ou découvrir. Cinq siècles plus tard, on aurait tort d’avoir tout vu, lu, compris ou admiré chez ce peintre trop vite rangé dans une case tantôt classique, tantôt convenue, au risque de ne plus réellement voir son oeuvre ou pire, de ne plus la reconnaître tel l’autrefois malchancheuse Madone de Lorette. Finalement, on ne regardera jamais assez Raphaël...

 Bibliographie commentée

*De BOISSARD Élisabeth, LAVERGNE-DUREY Valérie, Chantilly, musée Condé Peintures de l’Ecole italienne, Inventaire des collections publiques 34 Institut de France II, Editions de la Réunion des musées nationaux, Paris, 1988, pp. 125-132 n°66-68 : Présentation muséographique et historique des oeuvres.

*CUZIN Jean-Pierre, Raphaël Vie et oeuvre, Bibliothèque des Arts, Paris, 1983, pp. 56-58, 62, 86-87, 136-139 et fig. 53-54, 90, 146 : Une des sommes les plus récentes en langue française, due à un ancien conservateur du Louvre, comprenant des analyses très précises et utiles.

*FERINO PAGDEN Sylvia, ZANCAN Maria Antonietta, Rafaello Catalogo completo dei dipinti, Cantini, I Gigli dell’arte Archivi di arte antica e moderna, Florence, 1989, pp. 34 n°17, 35 n°18, 70 n°44, 95 n°58 : Catalogue raisonné des peintures de Rapahaël, contenant une notice illustrée synthétique pour chaque oeuvre.

*GOULD Cecil, "Aftertoughts on Raphael’s so-called Loreto Madonna", in The Burlington magazine, volume 122, n°922, janvier 1980, pp. 336-339, 341 : L’opinion du "redécouvreur" de la madone de Lorette sur le commanditaire et la datation de l’oeuvre, ainsi que le problème du saint Joseph.

*La Madone de Lorette, catalogue d’exposition, Chantilly, musée Condé, 16 octobre 1979-15 janvier 1980, Editions de la Réunion des musées nationaux, Paris, 1979, 72 p. : Synthèse faisant le point après la réattribution de l’oeuvre à Raphaël, traitant de l’original mais aussi des copies.

*MEYER ZUR CAPELLEN, Raphael A Critical Catalogue of His Paintings Volume 1 The Beginnings in Umbria and Florence ca. 1500-1508, Arcos, Münster, 2001, pp. 159-162 n°14, 162-165 n°15, 223-225 n°28 : Première partie du catalogue raisonné le plus récent du peintre (comprenant donc Le Songe du chevalier, Les Trois Grâces et La Madone d’Orléans).

*OBERHUBER Konrad, Raphaël, Éditions du regard, Paris, 1999, pp. 35-37, 40, 57-58, 60 fig. 51, 126-127 : Livre d’art et beau livre sur l’artiste, conçu comme une synthèse de sa carrière.

*PANOFSKY Erwin, Hercule à la croisée des chemins et autres matériaux figuratifs de l’Antiquité dans l’art plus récent, idées et recherches, Flammarion, Paris, 1999 [Édition originale : Hercules am Scheidewege und andere antike Bildstoffe in der neueren Kunst, B.G Teuner, Leipzig, Berlin, 1930], "VIII. Encore Le Songe du chevalier de Raphaël. Son association aux Trois Grâces de Chantilly", pp. 151-154, 223-225 notes 373-399 : Le point de vue érudit et iconologique d’un des plus grands historiens de l’art du 20ème siècle.

*Les Peintures italiennes du Musée condé à Chantilly, Editioriale Generali, 2003, pp.114-115, 278 n°48-50 : Pour une bibliographie sommaire récente et l’emplacement des Raphaël au musée Condé.

*POPE-HENNESSY John, Raphael The Wrightsman lectures, Phaidon, Londres, 1970, pp. 131-134, 187-190, 178 notes 10-11, 286 notes 24-28 : Textes tirés d’une série de conférences données par un universitaire spécialiste de l’art italien.

*PRAY BOBER Phyllis, RUBINSTEIN Ruth, Renaissance artists and antique sculpture, Harvey Miller publishers, New YOrk, 1997 (2e édition) [1ère édition : 1986], pp. 95-97, fig. 60-60a : Ouvrage traitant de la place de l’art antique dans la culture des artistes de la Renaissance, en proposant un corpus comparatif entre le motif ancien et sa transcription moderne.

*Raphaël au musée Condé, catalogue d’exposition, Chantilly, musée Condé, 16 novembre 1983-13 février 1984, Chantilly, 1984, pp. 46-52 n°29-31 et fig. 33-35 : Le point sur les collections de dessins et de peintures de Raphaël et ses élèves conservées à Chantilly.

*Raphaël dans les collections françaises, catalogue d’exposition , Galeries nationales du Grand Palais, Paris, 15 novembre 1983-13 février 1984, Editions de la Réunion des musées nationaux, Paris, 1983, pp. 124-125 n°25, 276-277 n°95, 417-419 : Dernière grande exposition rétrospective en France, lors du 500ème anniversaire de l’artiste, présentant la "redécouverte" de La Madone de Lorette et ses examens scientifiques.

*VASARI Giorgio, Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, tome 5, édition commentée sous la direction d’André Chastel, Berger Levrault, Paris, 1983 pp. 187-242 (notamment pp. 196-197 et 205-206) : Une histoire de l’artiste certes partiale et contestable, mais toujours primordiale et utile !

*De VECCHI PIERLUIGI, Raphaël, Collection Les Phares, Citadelle et Mazenod, Paris, 2002, pp. 59-60, 64-65 fig. 56-57, 222, 256, 351 notes 40-42, 352 notes 9-13, 354 note 38, 359 note 20 : Monographie comportant de magnifiques illustrations desservies par le texte rigoureux d’un spécialiste de l’art de la Renaissance italienne.

*ZERNER Henri, DE VECCHI Pierluigi, Tout l’oeuvre peint de Raphaël, Flammarion, Paris, 1969 [Édition originale : Rizzoli Editore, Milano], pp. 92 n°38, 95-96 n°60, 108 n°96 : Ouvrage ancien (avec certaines attributions actuellement remises en cause) mais toujours pertinent, appartenant à une collection rarement égalée dans le secteur éditorial en histoire de l’art.

 À savoir

Conformément aux dispositions testamentaires du duc d’Aumale, l’accrochage des tableaux du musée Condé n’a pas changé depuis le 19ème siècle et ces oeuvres sont interdites de prêt. On trouvera donc les trois tableaux de Raphaël respectivement dans les salles du Santuario (Les Trois Grâces et La Madone d’Orléans) et de la Rotonde (La Madone de Lorette, rare tableau à avoir été déplacé depuis la mort du duc d’Aumale pour être mieux vu et mis en valeur), dans le parcours des galeries de peintures.

par Benjamin Couilleaux
Article mis en ligne le 12 juillet 2005

[1] Cette partie de la collection d’arts graphiques a fait l’objet d’une exposition, accompagnée bien sûr d’un catalogue : Dessins italiens du musée Condé à chantilly 2/Raphaël et son cercle, catalogue d’exposition, Chantilly, musée Condé, 28 février-29 mai 1997, Editions de la Réunion des musées nationaux, Paris, 1997, 191 p.

[2] Ces trois tableaux sont actuellement conservés à la galerie des Offices, à Florence.

[3] On constate un fait bizarre cependant, si l’on associe les deux tableaux : la figure du Vice est parée de colliers de perles de corail, ornement absent chez la Vertu mais qu’on retrouve portées par chacune des Grâces : comment alors interpréter ce lien ténu entre les allégories du Vice et celles de l’Amour associées à la Vertu ?

[4] Un argument voyant dans Les trois Grâces une commande pour Scipion Borghèse est le fait que les Borghèse étaient originaires de la ville de Sienne, mais sans autre lien avéré entre cette origine probable et le passage connu de l’oeuvre dans leurs collections à Rome.

[5] Constatation certes rapide, mais justifiée par l’évolution de l’ensemble de la peinture d’histoire en Europe jusqu’au 19ème siècle, qu’il est évidemment impossible de développer ici.

[6] VASARI Giorgio, pp. 196-197 : Cf. Bibliographie.

[7] VASARI Giorgio, pp. 205-206 : Cf. Bibliographie.

[8] Hypothèse démontrée par les résultats des examens scientifiques de l’oeuvre, montrant clairement d’une part le dessin d’une ouverture dans la partie supérieure droite du tableau, d’autre part la présence initiale dans cette même zone de pigments de couleur bleue pour le ciel.

[9] La description du tableau par Vasari, en 1568, étaye l’hypothèse d’un rajout du saint Joseph de façon précoce, dès le 16ème siècle.

[10] La Madone de Lorette est loin d’être la seule victime de ce changement de goût, ou du moins de libertés discutables avec les oeuvres : La Madone Bridgewater et La Madone du Grand Duc (Florence, Palais Pitti) ont fait les frais d’un repeint sombre en arrière-fond à la place d’un paysage ou d’une tenture, leur conférant de façon indirecte un caractère encore plus léonardesque...

Informations pratiques :
 lieu : musée Condé, chateau et parc de Chantilly.
 horaires et tarifs : variables donc à consulter sur le site internet du musée
 renseignements : 03 44 62 62 62

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